Cette belle dynamique autour de la photographie sur le Couserans a vu le jour il y a déjà 4 ans avec la résidence de territoire d’Arno Brignon en 2016 qui a réellement déclenché les choses. Et cela s’est poursuivi et développé au travers de la programmation de l’association Autres Directions et de son équipement, le Bus – espace culturel mobile, qui a permis l’émergence d’une véritable ambition dans ce domaine. Cela a permis à l’ADECC* et à la Communauté de Communes Couserans-Pyrénées, de comprendre quel rôle pouvait jouer ce territoire rural de montagne sur le plan de l’image et d’en faire un axe majeur de sa politique culturelle. Nous vous laissons en découvrir la richesse et l’originalité, au travers de ce nouveau programme 2019 du Zoom photographique…

Le Couserans est un décor évident de conte. De la cité médiévale de Saint-Lizier au Mont Valier, c’est une terre de légende, mystique, un écrin fantastique pour les récits. Une énergie certainement propice aux fantômes qui viennent se glisser dans mes photographies. Cette résidence a été, c’est certain, une expérience forte sur le plan personnel, photographique et émotionnel. C’est un temps où j’ai réellement coupé avec mon quotidien, mon mode de vie. Une denrée rare aujourd’hui. Sans être une rupture, ce projet a été un champ d’expérimentation formidable qui m’a permis de passer un cap dans ma pratique artistique. Les rencontres que j’ai faites là-bas, tant avec la nature, qu’avec les habitants m’ont profondément bouleversé et interrogé sur mon mode de vie. C’est un territoire avec qui j’ai créé des liens forts, j’y reviens d’ailleurs régulièrement depuis.  


Arno Brignon, « Based on a true story »


Un programme d’expositions dans les médiathèques

« Vestiges, pour une archéologie du présent »

En réponse à un appel à projet, 6 photographes en début de carrière sont invités à montrer leur travail, tout au long de l’année, dans l’un des équipements culturels intercommunaux et à participer à une rencontre avec les habitants. La thématique développée cette année par Le Bus – espace culturel mobile traverse cette programmation. Elle entend explorer la notion de « vestiges », à envisager comme un questionnement ouvert sur la vanité de nos civilisations et des traces contemporaines que cela laisse sur les choses, les êtres, les formes et les paysages, mais aussi sur les modes de penser et de vivre… Ce programme vise tout particulièrement à accompagner de jeunes photographes ariégeois en voie de professionnalisation.

Résidence de territoire d’Anthony Jean

Au cœur de ville de St-Girons

La Résidence de Territoire est dédiée cette année à la fois aux musiques actuelles et aux arts visuels. Anthony Jean a décidé de raconter la musique en images, d’user de la photographie pour narrer le rapport des habitants à la musique, d’oser affirmer que celle-ci dépasse le sens de l’ouïe et peut être aussi perçue et explorée par le regard.

Différentes actions culturelles sont menées auprès des publics des structures présentes au Cœur de Ville : centres aérés, associations, école de musique, groupes scolaires, maison des ados, mission locale, établissements de santé, radio associative, EPHAD, centre aquatique, mais aussi directement auprès des habitants….

« Je suis très heureux que les organisateurs – la Communauté de Communes, l’Agence de développement de l’économie culturelle en Couserans, Art’cade et Autres Directions – aient fait le choix de prendre le contrepied de la résidence musicale habituelle : parler de musique à travers l’image. Heureux et excité ! Il est essentiel pour moi que ce soit une résidence avec et pour les habitants. J’ai envie d’obtenir un corpus d’images qui appartiennent aux saint-gironnais, qui soit ensuite comme un élément du patrimoine de la ville. Quelque chose va naître ici, qui est ambitieux : créer du lien, à travers la musique et l’image, et se réapproprier l’espace urbain, avec par exemple de grands collages photographiques sur des supports inattendus. »

Anthony Jean

Des temps de restitution sont organisés à la suite de chaque action, dans les lieux des ateliers, dans des salles d’exposition, dans les rues, avec en point d’orgue une restitution générale le 16 juin au Parc des expositions, à l’occasion des festivités marquant les 30 ans d’Art’Cade.

Programme d’exposition au Château de Seix

En partenariat avec la Résidence 1+2

L’éducation à l’image

« Lettre à un inconnu », Gaël Bonnefon

La Communauté de Communes, l’Agence de développement de l’économie culturelle du Couserans (ADECC) et Le Bus – espace culturel mobile mènent depuis 3 ans une dynamique territoriale forte autour de l’éducation à l’image photographique. Basée sur la pratique et la découverte artistique et la rencontre avec des photographes, l’enjeu est que les jeunes habitants du Couserans puissent devenir acteurs de leur propre parcours culturel en appréhendant la création contemporaine de l’intérieur. À l’automne 2018, les 300 enfants de 10 établissements scolaires du Couserans ont ainsi pu bénéficier pendant 2 mois d’un cycle approfondi d’ateliers artistiques, accompagnés par le photographe Gaël Bonnefon. De ce temps de résidence, est né un dense corpus d’images et de textes produits par les enfants et diffusés ensuite sous forme de correspondances circulant entre les vallées, d’école en école, au hasard des boîtes aux lettres ou à l’intérieur des livres empruntés dans les médiathèques… faisant ainsi émerger peu à peu, une cartographie sensible et poétique du territoire couserannais.

« Je tiens à remercier et à saluer tous les enfants que j’ai rencontré et avec lesquels j’ai travaillé pendant ces deux mois de résidence de territoire dans le Couserans. Ils ont été captivants et étonnants à la fois dans tous les échanges et discussions que nous avons eu et pour le travail artistique accompli ensemble. Ce projet intitulé « Lettre à un inconnu » consistait à la réalisation de photographies et à l’écriture de textes représentant un quotidien baigné de fiction autour de l’école. L’ensemble documente par fragments les visions intérieures des enfants, livrant leurs rêves et désirs, mais aussi leurs craintes et questionnements. Les élèves écrivaient anonymement à quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas, tendant ainsi un pont vers l’inconnu. Les textes étaient souvent très poétiques et répondaient aux images en y révélant toute leur imagination. Ces correspondances relient les lieux et les personnes entre elles, elles symbolisent un lien invisible entre chacun où les quotidiens se font écho dans un sentiment doux et silencieux. » 

Gaël Bonnefon

Les enfants poursuivent ensuite tout au long de l’hiver et du printemps 2019 un cycle d’ateliers d’éducation à l’image mené par Le Bus – espace culturel mobile. Des temps à la fois ludiques et pédagogiques leur sont proposés, pour se plonger dans le vaste univers de la photographie contemporaine et découvrir les métiers qui lui sont liés. Les différentes approches possibles du paysage, du portrait, du témoignage ou de la mise en scène, les croisements entre photographie artistique et documentaire, la diversité des supports, des outils et des techniques utilisés, la liberté d’expérimenter et de repousser les frontières de l’image, la multiplicité des points de vue possibles et l’importance de se construire un regard aiguisé, sont autant de portes ouvertes sur une compréhension approfondie de ce médium.

Pour finaliser ce projet, ils pourront découvrir la production réalisée avec Gaël Bonnefon et la partager avec le public à l’occasion du Ti’stival 2019, du 16 au 19 mai à Sainte- Croix Volvestre, où elle sera montrée lors d’un grand parcours d’exposition sur l’ensemble du site.

Le Château de Seix devient un laboratoire pour la création photographique

Des résidences de recherche et d’expérimentation

Le Château de Seix poursuit la mue amorcée depuis deux ans et devient espace d’art et de patrimoine, avec désormais tout un étage dédié à la création autour de l’image. Depuis l’automne 2018, le site accueille en partenariat avec l’association Autres Directions des photographes pour mener à bien des résidences d’expérimentation et de création. Celles-ci offrent à des artistes émergents des conditions professionnelles, un temps de liberté, une respiration pour développer leur recherche artistique. Elles sont également l’occasion pour les habitants de rencontrer des artistes et de comprendre leur processus de travail. Elles font écho à des problématiques patrimoniales du Couserans, considérées comme autant de ressources pour le photographe quant au développement de ses projets.

Arnaud Chochon en résidence au printemps

« En 2014, je décide, à 41 ans, de suspendre mon activité salariée pour m’inscrire dans une école de photographie, d’où je sors diplômé en 2016. Mes travaux personnels et mes reportages sont souvent construits sur le long cours. Ma curiosité à saisir la richesse et la variété des personnes m’amène à aller au-devant d’elles, à m’imprégner de leur vie quotidienne et à découvrir leur environnement. J’étudie les mœurs et ouvrages d’aujourd’hui à travers le prisme historique, sociologique et architectural. Ce parti-pris oriente mon regard photographique et nourrit mes travaux. »

Anthony Jean en résidence à l’Automne

L’oeuvre d’Anthony Jean parle de l’humain, des déplacements des peuples, d’une zone de conflit… Après avoir évolué pendant dix ans dans le monde associatif et militant avec des projets à travers l’Afrique et un demi tour du monde en solitaire de 2 ans à vélo, il s’est maintenant orienté vers la photographie et le reportage vidéo. Israël, Palestine, le Printemps arabe, les mouvements migratoires aux portes de l’Europe, il se sert aujourd’hui de son appareil photo comme d’un outil pratique à son militantisme. Après un travail d’investigation de plus de deux ans à photographier des opérations de sauvetages au large des côtes libyennes, principalement sur l’Aquarius de l’ONG SOS-Méditerranée, il photographie, expose et travaille sur de nouvelles créations artistiques dans le sud de la France.
En écho à l’exil des Républicains espagnols à travers les Pyrénées, au destin des familles qui ont reconstruit leur vie en Ariège après 1939, Anthony Jean poursuivra son travail sur les migrations en allant à la rencontre des réfugiés récemment arrivés en Couserans.

En parallèle de chacune de ces résidences, un itinéraire d’exposition et de médiation sera mené dans Le Bus – espace culturel mobile pour faire découvrir le travail de ces photographes aux habitants du territoire…

Le Couserans, terre d’images…

« C’est en décembre 2017 que j’ai posé mes valises pour la première fois sur le territoire du Couserans. J’arrivais alors sur une terre que je connaissais peu, essentiellement pour ses attraits touristiques. Très vite, j’ai pris conscience de la force de la nature qui entourait les hommes, et du rythme qu’elle leur imposait. J’ai compris que vivre ici demandait un réel engagement humain. Revenue au printemps, j’ai croisé des histoires de vie toutes singulières. La terre ne parle pas. Ni les nuages ni les versants des montagnes ne peuvent vous dire ce qu’il faut en penser, s’il faut les aimer ou les détester. Celui qui décide de rester là, dans ce pays où la nature rythme les jours et les saisons, celui-là doit donner un sens à ces vallées. « Au bout de chaque chemin, tu trouveras une maison » m’a-t-on dit quand je suis arrivée ici. C’était tellement ça ! Il a beaucoup plu durant deux mois, tant mieux. Cela aurait été trop simple sinon. Là, il a fallu que je me raccroche, que je cherche, que je trouve du sens pour rester, ne pas repartir. Les longueurs de la route m’ont obligée à me poser entre deux rencontres, à définir la nécessité ou pas de revenir. Est-ce comme ça que l’on comprend, un jour, d’où l’on est vraiment ? En même temps que je photographiais, j’ai enregistré, toutes ces voix croisées. Celles qui murmurent, celles qui pleurent, celles qui rient, celles qui crient, celles qui espèrent. Les photos m’aideront à fixer mes souvenirs, les voix les rendront plus vivants. Je suis rentrée chez moi, avec un peu de tout cela, et aussi de tout ce que je n’arriverai jamais à expliquer, tous ces moments hors du temps, hors des mots, hors des images. Plus jamais je ne reviendrai ici par hasard. »

Anne Desplantez

Retrouvez le travail d’Anne Desplantez dans son livre « Tu connais ses silences » aux Editions Photo Paper, partenaire depuis le début des résidences de territoire.